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07/03/2014 | FRANCE | N°2013-368

France | France, Conseil constitutionnel, 07 mars 2014, 2013-368


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 décembre 2013 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1249 du 10 décembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Nouvelle d'exploitation Sthrau hôtel, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 640-5 du code de commerce.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique

sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de commerce ;

Vu le règlement du 4 fé...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 décembre 2013 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1249 du 10 décembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Nouvelle d'exploitation Sthrau hôtel, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 640-5 du code de commerce.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de commerce ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 30 décembre 2013 et le 20 janvier 2014 ;

Vu les observations produites pour la SCP Brouard Daudé, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société requérante, par Me Georges-Henri Laudrain, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 3 janvier 2014 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 décembre 2013 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Laudrain et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 février 2014 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 640-5 du code de commerce : « Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

« Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :

« 1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ;

« 2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

« 3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation.

« En outre, la procédure ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur exerçant une activité agricole qui n'est pas constitué sous la forme d'une société commerciale que si le président du tribunal de grande instance a été saisi, préalablement à l'assignation, d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, en permettant à la juridiction commerciale de se saisir d'office pour l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 640-5 du code de commerce ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la faculté d'introduire de sa propre initiative une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d'impartialité ;

5. Considérant que la procédure de liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur qui, ne pouvant faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ; que cette procédure est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession de ses droits et biens ;

6. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, à l'exception du cas où, en application des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, une procédure de conciliation entre le débiteur et ses créanciers est en cours ; que ces dispositions permettent que, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, une procédure de liquidation judiciaire ne soit pas retardée afin d'éviter l'aggravation irrémédiable de la situation de l'entreprise ; que, par suite, le législateur a poursuivi un but d'intérêt général ;

7. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par suite, les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 640-5 du code de commerce doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

8. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire rendus postérieurement à cette date,

D É C I D E :

Article 1er.- Au premier alinéa de l'article L. 640-5 du code de commerce, les mots : « se saisir d'office ou » sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 7 mars 2014.


Synthèse
Numéro de décision : 2013-368
Date de la décision : 07/03/2014
Société Nouvelle d'exploitation Sthrau hôtel [Saisine d'office du tribunal pour l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire]
Sens de l'arrêt : Non conformité totale
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 07 mars 2014 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 07 mars 2014 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2013-368 QPC du 07 mars 2014
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2014:2013.368.QPC
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